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Le domaine Antoine Bovard, vigneron en Lavaux, l'un des grand garant du Chasselas


Denis Bovard, fils d'Antoine Bovard, fait partie de ces vignerons vaudois à la fois chauvins et fiers de leurs terroirs et leurs cépages.

Et à juste titre, car ils en sont les garants. Si l'on devait cesser de cultiver le chasselas en Lavaux, qui prétendrait pouvoir perpétuer cette tradition sur Terre ? Personnes, sans doute.

Le Chasselas appartient au lac Léman, il y règne en maître sur les terroirs mondialement reconnus du Dézaley et du Calamin.


Antoine et Denis Bovard, le père et le fils devant le domaine.
Antoine (Gauche) et Denis (Droite) Bovard

Depuis au moins 500 ans, la famille Bovard est présente en Lavaux et produit du vin de à partir des raisins de Chasselas depuis 1758. Une expérience inégalée. Ouvrons donc le livre de leur histoire et partons à la découverte de ce domaine unique.




Une entrée discrète:

Au pied du vignoble du Dézaley, à Cully, se trouve l'entrée discrète du domaine Antoine Bovard, créé de toutes pièces par le père de Denis. Ce dernier représente la 3e génération à cultiver des raisins au sein de la maison familiale et a repris les rênes du domaine au cours des années 2010, après ses études à l'université de Changins.


Une famille, une seule direction restée inchangée au fil des ans:

L'identité familiale reste identique à chaque passage de générations. Denis se présente lui-même comme un "traditionaliste du chasselas".


 

"Ici, pas de technologie moderne, pas de procédés sophistiqués, pas de mécanisation systématique. L'objectif est de mettre en avant un terroir et l'identité du cépage, plutôt que l'impact d'une vinification moderne". Denis Bovard

 

Pour ce faire, le travail manuel est primordial, à l'image de celui d'Antoine, son père. Tout fonctionne parfaitement sur les vins, alors pourquoi changer ?


La main paysanne au service de la vigne:

Denis trouve son bonheur dans le contact intime qu'il a avec ses vignes, cultivant 6 hectares répartis dans 4 appellations. Au catalogue, on retrouve un Saint-Saphorin, deux Epesses (provenant de deux terroirs légèrement différents), ainsi que le Calamin et le Dézaley Grand Cru. Pour se divertir, quelques rouges atypiques, mais qui représentent moins de 20% de la production totale.

Le fils n'aime pas la mécanique, donc passer des heures à entretenir un tracteur ne l'intéresse pas. Il préfère utiliser ce temps précieux pour accompagner ses vignes tout au long de l'année. Un travail ardu en Lavaux, compte tenu de la topographie. Les vignes y sont accrochées à flanc de coteaux au-dessus du lac Léman, offrant une vue splendide, mais rendant le travail particulièrement difficile. Les coteaux plongeant dans le lac et les routes étroites en font un défi permanent.

Néanmoins, ces conditions particulières conviennent parfaitement à la vigne, favorisant la maturation du chasselas pendant la nuit qui sont doucement réchauffé par la chaleur emagasiné dans les murs des terrasses.



Un Chasselas mur à point

Une grape de raisin de chasselas à la maturité dans les vignes du Lavaux
Chasselas en Lavaux

Antoine apprécie les raisins parfaitement mûrs à la vendange, sans verdeur ni astringence, et bien sucrés. Ces caractéristiques se ressentent effectivement à la dégustation. Les vins sont pleins, amples et riches. L'acidité plus faible est contrebalancée par une subtile amertume, offrant une allonge et une puissance remarquables à l'ensemble des cuvées. La ligne directrice est respectée sur toute la gamme.


Le Bio, au service de la vigne et du vin

Pour en revenir à la vigne, ceci nécessite beaucoup d'énergie pour élaguer, entretenir et traiter au fil des saisons. Les traitements sont d'ailleurs réalisés en bio depuis plusieurs années maintenant.

Effectivement, une nouvelle passion anime Denis de plus en plus. Depuis 2021, le domaine a entamé le processus de certification Agriculture Biologique. La certification nécessite 3 ans de travaux sans chimie pour prouver que cela fonctionne sur les terres sélectionnées. Mais en réalité, cela fait de nombreuses années que les essais et les expérimentations sont menés dans les parcelles du domaine. Effectivement, les travaux en vignes sont entièrement réalisés sans intrants chimiques depuis environ 5 à 7 ans maintenant. Ceci est rendu possible grâce à l'utilisation de produits naturels, d'un enherbement contrôlé et raisonné pour préserver la faune présent dans le lieu. La vigne en sort souvent plus forte, et la qualité du raisin améliorée. Pas de grand vins sans un raisin en parfaite conditions.


Quel est l'impact de faune sur la vigne?

Le fait de n'utiliser aucuns produits ravageur (se terminant en -icide), laisse la vie des insectes et petits oiseaux pour contrôler l'écosystème. L'équilibre naturel des insectes et de leurs prédateurs permet de limiter l'impact des ravageurs de la vigne, qui ont suffisament à se nourrir dans la partie superficielle du sol sans avoir besoin de migrer vers la vigne ou les grapes. Ceci favorise ainsi la régulation de la biodiversité. La vigne retrouve ainsi sa vigueur naturelle.


Une vinification sans chichi, sans poudre magique.

Denis en train de servir un verre de Dézaley 2022
Denis Bovard devant une de ses cuves

Au travers de ses études, Denis à appris toutes les technique de l'oenologie moderne, permettant de modifier un jus de raisin vers son but final, le vin. Aujourd'hui, on peut ajouter de l'acidité, du sucre, des tannis, supprimer de l'alcool, utiliser des levures aromatiques... Chaques interventions auront un impact sur le produit final. Denis a lui tout oublié ces recettes pour ne produire qu'un jus de raisin à l'état pur...

Ceci dans le simple but de mettre en avant l'expression des terroirs et la finesse du Chasselas.


La tradition pour la vinification de vins blancs, et le suivit des températures. Effectivement, pour préserver les aromatiques, il est souvent mentionné de fermenter les jus "à froid" (entre 8° et 15°C).

À Cully, vous ne trouverez pas ni groupe de froid, ni de cuves thermo-régulées, et un pressoir des années 80.

 

" Il faut agir rapidement lorsque le raisin entre en cave. Les fermentations doivent débuter rapidement. Un vrai challenge dans les millésimes chauds et précoces"

Denis Bovard

 

La propreté de la cave est effectivement irréprochable, et les presses sont douces pour n'extraire que peu de bourbes (les dépôts et présence de poussières sur le raisin à la récolte). Ils doivent être enlevé avant le début de la fermentation pour évite les faux goûts à la dégustation.

Dans les années à venir, le fils aimerait réutiliser le vieux pressoir familiale manuel. Un retour en arrière de plus de 50 ans dans la technologie. La raison: Améliorer les jus grace à une presse encore plus douce avec moins de dépôts. Il y a toutefois encore quelques problématiques à résoudre avant d'y arriver...


Le Vin Nature, un nouveau projet, et de grandes ambitions.

Sur le millésime 2021, le fils s'est lancé dans une expérimentation de vin nature, sans ajout de soufre ni de levures sélectionnées. Ce projet prendra encore plusieurs années.

L'idée derrière ce produit et de retourner à des méthodes ancestrales, dans le respect des aïeux, qui n'avaient pas tous les produits modernes à disposition, et de respecter ce que le raisin pourrait nous dire.


Une bibliothèque liquide a portée de main.

Une bibliothèque liquide pour découvrir le domaine avec de l'évolution
Cave d'élevage du domaine pour les vieux millésimes

J'ai été complètement ébailli par cette petite porte au fond de la cave. Pas de bouton pour la lumière, seulement un fil qui pend devant la prise. En entrant, Denis m'explique que ce lieu n'existe pas sur les plans de la maison... Une raison... Une hypothèse... Laissons le mystère en suspend, pour nous concentrer sur ce qu'elle dissimule.

Des flacons du domaine y sont enfermés depuis 20, 30 voir 40 ans pour certains. Les étiquettes sont prises par l'humidité, mais les bouchons sont parfaits. Le temps semble comme arrêté dans ce lieu. Nous aurions aimé y rester des heures entières pour discuter, mais nous avions un timing à respecter. Quel dommage.

C'est la bibliothèque vivante du domaine en quelque sorte. S'assurer de ne pas oublier l'origine, la ligne directrice, la raison pour laquelle on cultive la vigne... La transmission, le partage pour les générations futures...



Le Terroir, un mot qui en dit beaucoup...

Revenons en aux terroirs qui font toute la beauté du Lavaux et tout particulièremet du Dézaley. Le chasselas est le cépage quasiment unique sur l'ensemble de ces coteaux. La différence d'une parcelle à l'autre se situe dans l'impact du sol (la qualité de calcaire en rapport à l'argile, par exemple) mais aussi l'orientation de la vigne vers le soleil, le lieu où elle est située dans la pente, ainsi que l'âge de la vigne elle-même.

Pour que tout cela prenne forme, il ne faut pas oublier l'interprétation par la main de l'Homme. Sans lequel on ne pourrait pas extraire une vendange en parfaite condition et ramassée à maturité idéale.

Je trouve que aujourd'hui on utilise le terme Terroir de manière intenpestive. Et souvent l'on n'en oublie la definition de ce dernier...

Lors que l'on déguste les vins de la famille Bovard, on comprend vite qu'il n'a lui, pas oublié ce mot. Chaques bouteilles est un concentré de jus de cailloux, à l'image de ce que sont tous ces vignobles uniques.


C'est à la dégustation que l'on comprend la diversité du Lavaux:

Les vins blancs du domaine Antoine Bovard
Une sélection des vins du domaine Bovard à Cully

Lorsque vous comparez un Epesses (nom du village accolé au cru Calamin et Dézaley) avec l'un des grands crus, alors vous trouverez deux mondes différents. Le premier exprimera généralement des arômes citronnés subtils, une bouche soyeuse et aérienne. Après la première année de bouteille, il commencera à développer des arômes autour du citron confit, du miel et des fleurs blanches comme le tilleul.

Quant au Calamin, j'aime sa structure et sa rondeur en bouche. Le cru est idéalement situé en milieu de coteaux, sous le village d'Epesses sur un éboulis descendant de la montagne, laissant un sol composé principalement d'argile. Un sol plutôt "jeune" en somme. L'argile a la particularité de préserver l'accessibilité de l'eau à la vigne. En millésimes plus chauds, Monsieur Bovard aime à dire qu'il montre une légère amertume gastronomique. Ceci se ressent sur les côté des joues. Si, comme dans les vins du domaine, cela reste subtil, alors c'est élégant, et amène une possibilité de relief pour jouer avec un plat. J'accorderais volontiers avec le Calamin La Luge un filet de barbue en basse température, accompagné de légumes anciens tel que le topinambour rôti qui développe une note légèrement noisette à la cuisson. Le tout servit avec une sauce onctueuse sur une base de châtaignes.

Le Dézaley, rien de comparable.

Le Dézaley, quant à lui, est un niveau bien supérieur. Les vignes sont accrochées à la pente sur des petites terrasses, directement sur la roche affleurante. Cette dernière est composée principalement de calcaire. Cela confère aux vins une densité et une puissance remarquables dans leur jeunesse. Ils sont souvent difficiles à déguster lorsqu'ils ont moins de 5 ans de bouteille à mon goût.

Cependant, ils gagnent en grandeur et complexité avec le temps, ce qui les amène sur le haut de la pyramide des grands vins blancs du monde, tels que les Rieslings allemands, les Chardonnays Bourguignons et autres Hermitages ou même les Tokay secs.

 

Parler d'un grand Dézaley en quelques mots est une tâche difficile... Générosité, finesse, densité, sensation rocailleuse en bouche et voluptueuse. L'aromatique tout à fait exceptionnelle, avec des notes d'agrumes exotiques tels que le kumquat ou le cèdre, s'enveloppant dans des fruits du verger bien mûrs, des épices, de la réglisse, de la cannelle, de l'anis, des fleurs blanches de printemps, la pierre après une pluie de printemps...

Tony Lécuroux

 

Si vous avez l'occasion de trouver une bouteille dans une cave ou un restaurant, de préférence avec quelques années de bouteille, alors allez-y ! L'expérience sera tout simplement magnifique. Une grande bouteille à partager.


Du rouge à Cully, une tradition familiale.

Habituellement, on cultive du Pinot Noir et du Gamay dans le secteur. À l'époque, ils étaient assemblés pour produire la Dôle, souvent considérée comme un vin de comptoir. Les quelques vignerons qui en proposent encore de nos jours ont adapté le style avec une approche plus moderne.

Ces cépages étaient souvent plantés dans les vignes les moins propices au Chasselas. Les parcelles en bas de pente, proches du lac, où les sols sont assez pauvres. Antoine, le papa, s'était déjà aperçu que les résultats n'étaient pas concluants dans les années 70. Trop mûrs, manquant d'acidité, peu intéressants pour lui.

Il s'est donc rapproché de l'université de Changins pour obtenir de nouvelles propositions. On lui a parlé de cépages de deuxième et troisième maturité, inconnus à cette époque en Suisse. Il a alors planté à titre expérimental, en lien avec l'agroscope, quelques rangs de Merlot, Cabernet Sauvignon et Syrah. Ces vignes sont toujours en place aujourd'hui. Elle ont même le droit à l'appellation Dézaley Grand Cru. Merci aux visionnaires de la génération précédente.

C'est entre autre grâce à la famille Bovard et à quelques autres vignerons du cru que l'on autorise aujourd'hui en appellation Lavaux ces cépages tardifs.


Le Domaine Antoine Bovard est plus qu'un vigneron encaver pour moi. Ils font partit intégrante du patrimoine de la région, de l'identité des terroirs uniques du Lavaux, et de la sauvegarde du Chasselas, pour le faire rayonner à travers le monde.


Merci Denis pour ce moment unique en ta compagnie.

Au plaisir de se croiser à nouveau en Lavaux ou ailleurs.


Santé à tous.


Pour plus d'informations, trouver le site du Domaine Antoine Bovard Ici

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