Aujourd'hui, pour grand nombre de consommateurs, l'Allemagne n'est pas un pays qui brille pour sa production viticole... Et pourtant? C'était l'un des pays viticole européens les plus puissants entre le 17 et 18e siècle. Les vins se vendaient plus chers que leurs compères Bordelais ou Bourguignons...
Que c'est il passé entre temps?
Pourquoi aujourd'hui pense t'on encore que l'Allemagne ne sait pas faire de la qualité?
Savent ils travailler vignoble pour exprimer le terroir, si cher à la plupart des sommeliers et Professionnels du Vin Modernes?
Dans mon propre entourage, je ne vois personnes aussi fascinées par le Riesling que ce qu'ils pourraient l'être pour le Chardonnay...
Qu'elles sont les différences fondamentales ces deux cépages? Peut être une acidité plus prononcée dans les climats frais où le Riesling est cultivé, un alcool moins élevé, du fait que ce dernier ne va pas dévelloper autant de sucre à la maturité qu'un Chardonnay. Mais la lecture du terroir est tout aussi forte dans l'un que dans l'autre. Ce sont tous deux des "éponges à cailloux". Et finalement, l'impact du bois (barriques) va souvent servir de maquillage à un Chardonnay, tout comme l'est le sucre résiduel dans un Riesling. Cependant, un vigneron qui fait son vin avec passion et connaissances, n'abusera ni l'une ni l'autre des techniques, qui correspondent à des vins "techniques" et donc déconnecté de l'approche terroir. Les propriétaires de vignes qui aiment ce qu'ils font, chercheront l'équilibre et la finesse, peu importe le terroir ou la région d'origine. Ils n'abuseront pas de l'oenologie à outrance.
Mais la lecture du terroir est tout aussi forte dans l'un que dans l'autre (Riesling & Chardonnay). Ce sont tous deux des "éponges à cailloux"
Je vous mets au défit de lire n'importe quel journal spécialisé dans le monde viticole actuel, de suivre les fils Intagram ou Linkedin des sommeliers et personnes influentes du moment. Combien d'entre eux parleront du Riesling, de l'histoire de l'Allemagne, de sa proximité historique avec les moines Cisterciens? Probablement peu.
Quel Dommage... Dans une période ou l'on se bat contre le réchauffement climatique, la hausse des degrés alcooliques, et ou, tous, recherchons des vins le plus sec possible, avec le moins d'impact de la vinification...
Est-ce un vrai choix ou biais cognitif qui nous empêche de découvrir ce que ces terres nous réservent?
Je veux vous partager mon expérience vécue sur une semaine entière au fils des principales régions germanophones. Je veux pas vous obliger à boire Allemand, mais essayer d'étayer votre curiosité à son sujet. J'ai moi même était très impressionné par ce qu'ils proposent, et pourtant le Riesling est l'un de mes cépage préféré.
Après avoir passé plusieurs mois enfermé dans mon petit appartement à préparer mon examen pour le Master Sommelier, je n'ai ni pris le temps de sortir avec mes amis, ni même consacré des journées dans les vignobles. Effectivement c'est un examen qui demande de nombreux sacrifices, dont ceux-ci.
Aujourd'hui je m'aperçois que les visites de vignobles me manquent. Etant à la veille de me présenter, les dés sont déjà lancés. Je ne pourrais plus rattraper ce que je n'ai pas encore couvert ou même appris. Mais au moins, je souhaite renouer le lien, dont j'ai besoin, avec les vigneron(ne)s et les vignobles pour apprendre d'antant plus mon métier de sommelier.
J'espère aujourd'hui revenir avec encore plus de précision qu'avant, avec une connaissance technique plus approfondie que jamais, tout en gardant ma bonne humeur et mon envie de partage, qui grandie jour après jours...
J'ai donc choisi de passer mes deux semaines précédent mon Master en road trip autour de l'Allemagne et de l'Autriche.
Certes, la difficulté de la langue ainsi que l'histoire relativement récente (XXe Siècle) peut rebuter et parfois faire un peu peur. Les vignerons modernes en ont eux même beaucoup soufferts.
Mais pour avoir visiter la majorité des régions viticoles du pays, je suis encore et toujours intrigué par la diversités de leurs terroirs et leur identité viticole. Je fût plusieurs fois été impressioné par la verticalité des vignobles de la Moselle, par la diversité et l'impact des sols volcaniques et calcaires dans la Baden. La pureté des vins dans la Palatine (Pfalz), ou l'équilbre recherché en Rheingau, ainsi que la touche de modernité apporté en Nahe ou Rheinhessen.
Quelle est l'emprise du passé sur le monde moderne?
Remettons la modernité dans son contexte. Pour cela, reprenons un peu d'histoire. Je trouve qu'il est interessant de faire un arrêt aux domaines Schloss Johannisberg et Kloster Erberbach. Schloss Johannisberg n'est rien d'autre que le premier domaine viticole à se consacrer au Riesling à 100% au monde. L'histoire remonte à 1100, lors de la création du monastère. Cependant les premières traces de vignes dans la région dateraient de 817, une période sous le contrôle de Charlemagne. C'est en 1716 que le monastère prendra sa forme actuel, et en 1720 qu'ils se consacreront uniquement Riesling. Ils ont d'ailleurs "créer" le style Spätlese, suite à un accident de parcours en l'an 1775. Le prince, ne pouvant récupérer les raisins à temps fut dans l'obligation de prendre l'intégralité de la récolte, même les raisins "pourris", afin de remplir les quotas imposés. Il créa alors le meilleur vin jamais produit jusqu'alors au domaine.
Plus récemment, au début des années 1900, ils furent parmi les pionniers et défenseurs du Riesling sec, même si leur coeur de gamme ont toujours été les Spätlese & Auslese (comme une Vendange Tardive, donc avec du sucre résiduel) suite à leur adhésion en tant que père fondateur de l'association VDP (Verband Deutscher Pradikätweingüter).
Kloster Erberbach est lui même le deuxième domaine à se consacré au Riesling au monde, et fut pendant une période de l'histoire le plus important et influent domaine du Pays. Il reste aujourd'hui un domaine emblématique avec plus de 250 Ha de vigne en production autour de la Rheingau. Ce fait donc de lui le plus grand domaine viticole de la région. C'est aussi un domaine gouvernemental de l'Etat Allemand. Ils ont donc une place d'expériementation à ciel ouvert continue.
Il fût créer en 1136 par Bernard Claiveaux, moines Cisterciens (Branche Bourguignonne), en tant que première installation à l'Est du Rhin, et le plus influent d'Allemagne très rapidement. Le monastère tel que l'on le connais aujourd'hui et le même qu'a sa création, à l'exception de quelques statutes volées par un de ses anciens propriétaires. Un vestige quand à savoir l'historique chaotique Allemande.
Pourquoi ces moines ce sont intéressés à cette terre et produit pendant si longtemps du vin?
En lien avec la religion catolique, il a toujours fallut produire du vin. En général, les moines installaient leur monastères à des lieux bien sélectionnés, pour produire des vins de haute qualité. Prenons l'exemple du Clos Vougeot? Probablement le plus emblématique de tous.
C'est alors qu'ils ont trouvé en la Rheingau une terre d'accueil. Une terre qui pouvait transcender les siècles sans prendre une ride. Rappelons qu'à cette période, nous n'avions ni technologies, ni prélèvement de sols, ni produits phytosanitaires ou œnologiques. Tous devait venir du bon sens paysan, des connaissances acquises par les générations passées quand aux choix de localisation des bonnes parcelles. On encore la possession de cartes qui classifie les vignobles de la Pfalz au 19e siècles en fonction du prix de ventes des vins issue de ses parcelles. Cette même carte a été la base structurelle pour la classification actuelle des VDPs par exemple.
Le travail en vigne a suivit son cours jusqu'à l'arrivée de la mondialisation et "l'ouverture des marchés" (surtouts anglais). Ainsi l'achat de vin avait commencé, et les comparatifs également. Vers le 18e siècle, les Anglais achètent les vins en fûts pour les consommer de retour chez eux. Dans les tavernes de l'époque, le prix des "Sack" (Riesling Allemands) étaient plus élevés que leurs compères français à titre d'exemple. On a même retrouvé des cartes des vins, ou les demies bouteilles de Riesling Spätlese étaient plus cher que les formats traditionnels de "Claret " Bordelais, un vin pourtant très apprécié et recherché par les amateurs de l'époque.
Que c'est il passé entre temps?
2 Guerres et des politiques communes ont bouleversés l'histoire viticole de l'Allemagne.
On n'est pas sans savoir que la première moité du 20e siècle n'a pas été de tout repos pour l'Europe et pour l'Allemagne en particulier. En plus de l'impact des guerres en elles-même (manques de mains pour travailler le vignoble, ravages des terres et bâtiments pour produire et les pillages par les envahisseurs), la politique de globalisation, d'optimisation des coûts vers l'autosuffisance alimentaire du IIIe Reich, toutes propriétés rendues publiques ont ainsi drastiquement et instantanément modifié la structure du vignoble.
2 générations de vignerons ont subit ces pressions, où le rendement était largement privilégié face à la qualité. Il a fallu faire des choix. Le Muller-Thurgau et le Silvaner étaient des réponses à ses demandes viticoles et politiques. Il a fallut produire beaucoup (100 Hectolitres par Hectares étaient la norme basse), avec un peu de sucre résiduel pour cacher les défaults, et surtout faire du vin rapidement. C'est ainsi que le Liebfraumilch vu le jour. Un vin qui a formé le palais moderne des Allemands mais aussi la destruction de l'image qualitative vins produits par le Deuschter Reich à la "chute du mur".
Un vin qui a construit le palais des Allemands moderne mais aussi la destruction de l'image qualitative des vins produits par le Deuschter Reich à la "chute du mur".
Cette même période à été l'avènement des produits Phytosanitaires. La magie de la viticulture par perfusion... Une viticulture déconnectée du terroir et du sol. En moins de 50 ans, nous avons complètement tué une majorité les sols des vignobles européens.
Depuis les années 90 les vignerons se sont posés des questions, et probablement les bonnes pour l'avenir du vignoble Allemand (certains précurseurs ont commencés la réflexion une vingtaine d'années auparavant).
Quel estla direction choisie pour la viticulture germanique?
Prenons exemple des domaines tel que Dr Burklin-Wolf, Dr Heger, Georg Breuer, Schloss Johannisberg. Tous pères fondateurs du groupement VDP, qui a pour utilité de mettre en avant les terroirs et les crus sans prendre considération du niveau de sucrosité et dans les vins finis. Des vins sans maquillage, sans artifices finalement.
Structurellement parlant, ils ont prit exemple sur la Bourgogne, avec la classification des vins par niveau de qualitité dans les crus: Région (Orstwein), Village (Gûtswein), 1er Cru (Erste Gewäch), Grand Cru (Grösse Gewäch). Ce dernier est souvent caractérisée par des vignoble en coteaux parfois vertigineux spectaculaires.
Ils ont sélectionné, contrôlés, réfléchis pour apporter un vision précise sur ce qu'est le terroir des vins Allemands, si diversifié qu'il puisse être. Il a aussi fallut clarifier les règles d'étiquetage (le travail est encore en cours...).
Pour ne citer que quelques exemples des sols emblématiques sélectionnés:
L'ardoise bleue est unique en Moselle (aussi rouge dans les villages de Ürzig & Erden)
Le calcaire joue avec le Basalt en Palatine (continuité des Vosges Alsacienne vers le Nord)
Les terres volcaniques sont majoritaires en Baden, mais entrecoupé par du calcaire affeurant
La Rheingau se partage entre ardoise grises, argile et influences volcaniques
➙ Le Riesling présent partout dans ces région, et majoritaire la plupart du temps. On peut donc imaginer qu'il prend différentes formes, textures et saveur en fonction de son lieu de culture.
Selon son approche en vinification, il peut être naturellement aromatique explosif avec un milieu de bouche plutôt léger et simple. Mais aussi être un "Jus de cailloux" si les rendements sont maitrisés, issue de vignes plus vieilles, sur des coteaux, et vinifié avec précision. Il existe autant de style de Riesling que de producteurs. Chacuns avec son image, sa vision, et son identité pour exprimer au mieux ses sols. Et le tout, avec une quasi absence de barriques.
Certains ont essayés le fût de chêne français, beaucoup ont arrêtés. Ce qui correspond le mieux au riesling, c'est le Stück . Autrement dit, le Foudre, qui a une taille de 1200 litres traditionnellement. La quasi totalité des GG (Grösse Gewach) sont fermentés et élevés sur leurs lies fines pendant au moins 10 mois dans ces chènes neutres et des caves plus que centenaires parfois, chargée d'Histoire. C'est un cépage qui à besoin d'oxygène temps pour grandir. Ce qui signifie qu'il a besoin de temps pour être vinifié et élevé avant d'être consommé. C'est aussi un cépage qui a beaucoup à raconter après quelques années de bouteilles, voir décénnies.
Des vignerons définitivement tournée vers un avenir prometteur
L'association des VDP compte plus de 200 membres au travers de l'Allemagne aujourd'hui. La qualité à drastiquement augmentée, tous prennent la direction de l'agriculture raisonnée pour les plus sages, voir la biodynamie pour les plus déterminés. Oui, dans un climat aussi frais et humide que l'est la majorité du pays, c'est un vrai challenge. Même si aujourd'hui ils sont plutôt heureux de l'impact du "réchauffement climatique" pour la régularité apportée, millésimes après millésimes. Il existe toutefois quelque micro-climats autour du pays qui donnent un peu de répis à ces vigneron(ne)s héroïques.
Il faut aujourdhui regarder ce que proposent ces domaines, leur GG sont de vraies pépites, à des prix qui restent des plus abordables.
Ils ont toutefois commencé à comprendre ce qu'ils avaient entre les mains, à se comparer aux collègues Européen, donc les prix augmentent. Ce qui est, je pense, une bonne chose, pour forcer les consommateurs et professionnels à s'interesser à ce pays. Soyez à l'affut, vous n'aurez que de belles surprises je peux vous assurer.
Le Riesling est effectivement la cépage majoritaire du pays, mais pas unique. Si vous êtes amateurs de cépages bourguignons, alors soyez curieux par les Spâtburgunder de Ziereisen & Dr Heger (Baden), Knipser (Pfalz), Kloster Eberbach. De magnifiques Weissburgunder (Pinot Blanc) et Grauburgunder (Pinot Gris) émergent ici ou là. J'ai eut de sacrés claques.
Mes coups de coeur de ce petit tour:
Dr Burklin-Wolf Riesling Ruppertsbergen Reiterfad, Pfalz 2016: Un riesling du droiture sans failles, d'une jeunesse imparable, qui est un peu compact dans sa jeunesse sur à sa culture sur calcaire sablonneux.
Dönnhoff Riesling Niederhaussen Hermannshöhle, Nahe 2020: Un monstre de puissance, de concentration et de maturité avec une acidité prononcée qui représente le squellette issue du sol d'ardoise et de l'exposition sud de ces vignes de plus de 75 ans. Soyez patient, le résultat n'en sera que plus beau
Georg Breuer Terra Montosa, Rheingau 2022: Une très belle maitrise de Thérésa (fille de Georg, aujourd'hui à la tête du domaine), qui assemble les jeunes vignes de ses 3 GG (Grand Crus), afin de proposer un avant goût des "single vineyard", à un plus très abordable, environ 35€ au caveau du domaine.
Gunderloch, Niersteiner Hipping GG, Rheinhessen 2015: Un arrêt obligatoire au Roter Hang. Un vignoble vertigineux surplombant le Rhin, avec un sol d'argile ferrugineux rouge vif. Le Hipping exprime toute la beauté de ce terroir chaud, en dévellopant une grande compléxité épicée, miel de fleurs, gingembre, caramel. Mais la bouche vous remet à l'ordre par sa tension et sa précision, et ses notes fumées et presque animales.
Knipser Chardonnay ***, Pfalz 2020: Ce n'est pas une nouvelle que le Calcaire et le Chardonnay ça fonctionne. Ici, Stephan Knipser le travail dans la pure tradition Bourguignonne, une touche de réduction à l'ouverture, qui laisse place à une vrai généreusité et onctuosité en milieu de bouche. Et l'on fini avec la droiture et la salinité du Calcaire. Une pure merveille, qui a pour raison de vivre les jolies pièces de poisson noble.
Schloss Johannisberg Riesling Auslese Rosenack, Rheingau 2018: Bon, je suis d'accord, les vins sucrés ne sont pas la direction de cet article. Mais parler du Riesling Allemand sans faire un clin d'oeil à la tradition, ce comme oublier quelque chose derrière. Ce vin frolle la perfection d'équilibre et de finesse entre sucrosité, niveau d'acidité qui enlève complètement la sensation des 130+ grammes de sucre environ, et qui donne envie de prendre un deuxième verre. Le seul point négatif a cette cuvée, c'est que c'est encore un bébé, et il n'a pas encore exprimé toute la compléxité du terroir.
Je vous laisse profiter de ces découvertes.
Si vous avez besoins de conseils ou recommandations, écrivez moi en commentaires ou privé, je vous réponds volontiers. Nous sommes ici pour partager.
Bonne dégustations à tous.
Tony Lécuroux
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